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208 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Bodard me dit cela et j'en fus très heureux. Je ne tardai pas d'écrire à ce compatriote qui vivait là-bas, dans la lumière, au cœur même du mouvement littéraire. Je lui écrivis une lettre bien naïve qui montrait ma com- plète ignorance des difficultés sans nombre que rencontre le jeune écrivain — même à Paris. Il me répondit gentiment, s'efforçant de me ramener sans violence à une appréciation plus réelle des choses.

Aux vacances suivantes, il me pria de l'aller voir à Cérilly. Je me mis en route un beau jour...

Et je découvris la petite maison si humble, vers le milieu de la rue montueuse, qui, faisant suite à la rue du Marché, aboutit un peu plus haut à la place de la Croix-Blanche, à l'orée des champs.

Dans la pièce d'entrée avenante et proprette, la bonne maman me reçut avec cordialité, comme un hôte attendu. Je passai de là dans la pièce du fond où le papa, en habits de travail, parachevait une paire de sabots garnis pour une voisine. Ayant réussi dans un petit commerce des bois de noyer, il avait acquis une modeste aisance et n'exerçait plus effectivement son métier ; mais il œuvrait encore à titre de passe-temps ; il chaussait un noyau de femmes du quartier. Et cette petite salle qui ouvrait sur la courette " ou le puits grinçait au crépuscule comme une âme de fer ", servait à la fois de cuisine et d'atelier.

Je grimpai l'escalier étroit et c'est dans cette petite chambre mansardée — sanctuaire ancien de la bonne Madeleine — où logeait et travaillait Philippe, que nous prîmes contact... Je fus un peu dérouté à cause de sa taille exiguë, de son air si simple, de la cicatrice de sa joue : — je m'imaginais tellement plus imposant cet écrivain de

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