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ENFANCE ET JEUNESSE 1 87

Cérilly. " Maintenant j'attends que veuillent bien venir les sept réponses à mes sept demandes ". * Il s'était offert à des avoués, à des notaires, il avait fait une requête pour entrer au service des Ponts et Chaussées : les réponses attendues ne vinrent jamais. Il voulut aller au Soudan " étirer son ennui dans des pays moroses, et acquérir hautement la sensation de l'immense, du monotone et du triste. " 2 Le Soudan ne voulut pas de lui. Le bel été passa lentement. Philippe allait s'asseoir, chaque matin, dans la forêt prochaine, puis revenait s'enfermer, l'après- midi, dans sa petite chambre d'où l'on voit trois sapins sévères, une cour étroite, un poulailler et un puits. Jusqu'au soir il entendait, comme un reproche, le bruit des outils de son père ; s'il sortait, les voisins l'arrêtaient pour le questionner, et le soir, à dîner, les yeux tristes de sa mère lui disaient : Mon pauvre enfant, nous ne pour- rons pas toujours te nourrir à ne rien faire. Quand toutes les brumes et toutes les eaux de l'automne tombèrent sur le village, Philippe comprit qu'il fallait partir. De l'ex- trême douleur sortit la délivrance. " Ce qui se passa fut bienheureux. A tout jamais j'abandonnai les rêves de grandeur qui, depuis l'enfance, poussaient mes idées dans l'orgueil. J'abandonnai tous mes rêves supérieurs, ceux qui traînaient des sabres et ceux qui rêvaient d'un emploi riche et fainéant. Je partis, mais ce ne fut pas un départ, ce fut un retour... Ceux qui travaillent pour gagner le pain qu'ils mangent m'entourent et vivent selon la loi qui veut que l'on gagne son pain à la sueur de son front.

��1 13 mai 1895.

  • 30 juillet 1895. Voir plus loin, p. 240 de la revue.

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