Page:NRF 3.djvu/188

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
180
La Nouvelle Revue Française

Dans les deux premiers mois du séjour qu’il fit chez ses parents, au retour du lycée, il écrivit plusieurs douzaines de poèmes dans ce style ésotérique. Il en envoya un spécimen à Mallarmé, qui répondit aimablement ? « Le conseil que je vous donnerais s’il ne fallait, quand on cherche, se garer de tout avis, c’est que vous poussiez en tous les sens votre étude actuelle du vers, elle vous mène en bonne voie, quant à ce qui est d’une langue poétique où ne reste de prose apparente seulement, le chant secret, lequel doit remplacer la phrase, se marquera mieux ou se dégagera, dans l’avenir. — Celui qui n’écrit pas de lettres ». Encouragé, Philippe s’adressa à René Ghil, dont il avait lu quelques vers bien plus étranges et bien plus obscurs que les siens. La réponse ne se fit pas attendre. Ghil flaira un disciple et envoya ses œuvres complètes. Philippe en fut comme submergé. Il s’en nourrit pendant des mois et commenta pour moi, en des lettres laborieuses, la théorie de l’Instrumentation verbale et celle de la Synthèse totale. Mais tout cela fut pour lui comme un vêtement dont on se revêt et se dépouille. Philippe était trop différent de Ghil pour se laisser vraiment annexer : du moins je ne trouve pas de différence entre les vers qu’il composa avant la lecture de Ghil et ceux qu’il fit après ; mais peut-être, sans Ghil, eût-il cessé plus tôt d’en écrire.

Ghil eut d’ailleurs à l’égard de Philippe une conduite parfaite. Il s’employa, sans succès, à lui chercher une