Page:NRF 3.djvu/164

Cette page a été validée par deux contributeurs.

celle que Claude Buy n’osait pas prendre, celle qui se gardait pour Claude Buy. En l’apprenant, Claude Buy ne pleure pas ; il vomit, de dégoût et de détresse. Angèle, méprisée, se tue ; il serait pire qu’elle vécût. Croquignole aussi se tuera ; on ne rentre pas au bureau, après qu’on a mangé quarante mille francs ! Et le tragique du livre n’est pas tant dans l’une ou l’autre de ces deux morts que dans la loi fatale qui les relie : la prospérité n’est pas innocente ; l’homme trop heureux perd les autres et se perd lui-même après eux. Mais de cette fatalité Croquignole n’est pas coupable aux yeux du sage et doux Félicien. Félicien, — l’homme qui vous fait du bien, rien qu’à vous regarder, l’homme « en présence de qui chacun a effectué sa meilleure action » — Félicien, de son vrai nom Lucien Jean, fut vers ce temps-là pour Philippe un collègue de bureau, un compagnon de lettres, un ami respecté, presque un maître. Il lui donna de la vraie force une idée plus simple et plus calme ; celle-là même qui émane de son œuvre brève et parfaite. Et c’est à l’édition posthume des proses de Lucien Jean que Philippe consacrait ses soins quand il fut lui-même frappé.

Ni Marie Donadieu, ni même Croquignole, ne me paraît supérieur soit à Bubu, soit au Père Perdrix. Mais les deux derniers romans publiés marquent un pressentiment de possibilité plus large, un progrès de la pensée, que ne pouvait manquer de