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sûr dans La Chair de Trois Gueux : récit d’un viol, où le poète ne peut imaginer raffolement des brutes qu’en y mêlant du mystère et du songe. Dans Le Pauvre Amour en Chair, se nuancent assez d’émotions juvéniles pour nous intéresser aux heures d’une nuit banale, depuis l’éclosion du désir jusqu’au réveil désenchanté. Enfin l’idylle plaintive et pure qui se nomme Le Clair Amour et l’Innocence, rend, avec un timbre plus grêle, le même son que l’œuvre double de la suivante année : La bonne Madeleine et la Pauvre Marie.

Rien qu’à lire ces deux courts romans poétiques, on devinerait les affinités qui dès lors destinaient Philippe à l’amitié de Francis Jammes. Philippe est de dix ans plus jeune ; il n’a pas d’ailleurs au même degré le sens inné de notre langue et le don des images neuves ; son invention ne se joue pas avec la même liberté. Aussi ni Madeleine, ni Marie ne se détachent-elles au fond de nos mémoires comme font Clara d’Ellébeuse, Almaïde et Pomme d’Anis. Mais Philippe voue à ses héroïnes un amour plus patient, plus incliné, plus soumis ; un amour grave et sans sourire. Il les protège comme un frère ; il assiste à leurs humbles tâches ; il déplie délicatement les chastes secrets de leurs cœurs. Pour consoler Marie infirme et laide, en qui brûle une belle soif de dévouement, il voudrait trouver des promesses d’amour qui ne fussent pas des mensonges. Dans sa tendre