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s’échappe tout à coup en effusions lyriques, dont la complication naïve atteste la sincérité. « Brutal et doux, irascible et bon », — comme il s’est qualifié lui-même, Philippe a vite épuisé ses colères ; c’est dans la bonté qu’il s’attarde. Il reste bien ce même enfant têtu, modeste, ombrageux, tendre et sage, qui jadis au retour de l’école, dans la petite maison de Cérilly, rêvait sur un livre près de l’établi où son père creusait des sabots.

Comme il eût creusé des sabots, l’enfant fit des mathématiques : il faut bien vivre, et l’on croit au village que la science nourrit son homme. Mais il traite la science en simple instrument : elle n’entame pas son être intime, elle n’a pas de prise sur ses intuitions. Avant de tenir un métier, il sent qu’il est né pour l’art littéraire ; ni soucis d’avenir, ni pesantes besognes, ne l’en sauront détourner. Je ne m’étonne pas qu’avant de détester le symbolisme il ait vénéré Mallarmé, et débuté par des vers dont le gauche raffinement, plus tard, lui faisait un peu honte. Il n’aimait pas non plus qu’on lui rappelât ses Quatre Histoires de Pauvre Amour (1897). Et pourtant, quelles que soient leurs imperfections, elles ne copient aucun maître et dessinent déjà nettement une personnalité naissante. La plus maladroite, qui sent le collège : Le Journal de Roger Jan, confesse les convoitises et les froissements secrets d’un adolescent sensitif que la volupté tour à tour effraie, déçoit et dégoûte. L’art est plus