Page:NRF 1909 8.djvu/61

Cette page n’a pas encore été corrigée

CAUET 145

montagne d'Horeb, de toutes ces fumées jaillirent des courants de vie ; tout ce qui était artificiel et automatique fut secoué et l'homme s'échappa du soldat de plomb. Les sifflets donnaient le signal du repos, rompaient les exercices. Avec des cris, des bondissements, ils couraient autour des petites voitures, et contre les dures robes de toile bise des marchandes, certains se frottaient.

Un groupe assaillait déjà la voiture que Gerfaut avait hélée. Quand il s'approcha, suivi de Chtiot Jules, tous s'écartèrent avec respect. Il dit :

— Deux tasses, la mère, une pour moi, une pour lui ; c'est l'ancien qui régale aujourd'hui.

Aucun ne fut surpris du sérieux de son visage, et de la gravité avec laquelle il prononça ces mots. La marchande avait une bonne vieille figure de patience et de misère, et elle étendit sur Chtiot Jules toute sa pitié.

— Deux tasses, et du bouillant, — dit-elle, — il n'a pas l'air d'avoir chaud le petit gas.

Une sorte de gloussement s'éleva derrière Gerfaut, et la voix de Gamahu dit :

— C'te bonne blague. On va rigoler tout à l'heure. Mais Gerfaut lui fit face, le poing levé. Il appuya son

regard sur les autres, et passa son bras autour du cou de Chtiot Jules.

— Malheur à qui le touche, — leur dit-il. — C'est mon copain. Je le défends. Ça vous étonne ? J'ai connu son père à Sissoune. Oui, je l'ai connu.

Les deux tasses étaient servies. Il en prit une et se mit à boire à petites gorgées, et il s'arrêtait pour dire avec un claquement de la langue :

— Il est bon votre jus, la mère

�� �