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trésor ; car il a su parer chaque émotion, de la plus solennelle à la plus familière, d’une expression qui toujours l’égale, sans jamais la dépasser.

La prose même de Gœthe en sa correspondance — Bielschowsky l’a finement remarqué, — touche parfois au lyrisme ; son caractère musical ne tient guère au son propre des mots, mais plutôt à leur convenance, à leur ordre délicat, au mouvement qui les entraîne. C’est un poète qui parle à 17 ans, dans ces lettres de Leipzig où d’heure en heure se succèdent les accents de l’amour content et de l’amour jaloux : tous les retours, toutes les contradictions du sentiment s’y laissent lire aussi aisément que sur un jeune visage. La même spontanéité ne perce pas dans les premiers poèmes : Ni la langue, ni le vers allemand n’offraient alors un instrument tout accordé ; avant d’en découvrir toutes les ressources vierges, il fallait mesurer l’insuffisance des modèles en vogue, en les imitant d’abord. Mais le sûr instinct de Gœthe abrégea pour lui cette épreuve : sans balancer entre l’école du bon goût et celle de la naïveté rustique, sans comparer les mérites de Gottsched, de Gellert et de Gleim, sans s’égarer sur les traces plus séduisantes de Wieland ou de Klopstock, — sans doctrine élaborée, sans idéal préconçu, il ouvre ses sens à la vie, et plus que tous les bruits du monde, il écoute attentivement une voix qui chante en