Page:NRF 1909 12.djvu/113

Cette page n’a pas encore été corrigée

notes 535

Les drames de Verhaeren ont ce singulier mérite et qu'il faut bien se résoudre à louer aujourd'hui, celui d'oser encore, malgré leur mépris des ressources techniques de la scène, se poser " face au public ". Il semble que sans lui tourner le dos, nulle œuvre ne sache plus à présent prétendre à la beauté. Ce sont des drames à pleine voix, non chuchotes, des drames à psychologie colorée plutôt que profonde et qui provoquent en nous une exaltation intelligente plus qu'ils ne nous boulever- sent. En un mot ce sont des travaux éloquents et l'éloquence a de tout temps été le trait distinctif de notre art dramatique. Il ne semble pas qu'il s'en puisse passer longtemps. C'est sa pente naturelle et comme c'est en conséquence par là qu'il se gâte, l'éloquence a souvent contre elle les délicats. Mais qu'une juste haine de la faconde méridionale ne nous empêche pas de goûter cette éloquence du nord, austère et drue !

Toujours le vers de Verhaeren a son sens par lui-même ; quelque débridé qu'en soit le lyrisme, il ne fait pas des embardées hors du dialogue, tandis que le propre de la rhéto- rique théâtrale est de fuser, à la fois écervelée et roublarde, de décrire dans les airs de fantaisistes trajectoires pour éclater avec fracas en touchant terre. Pas un couplet de Verhaeren qui soit ainsi desorbité vers sa péroraison et qui au lieu de s'avancer d'un ferme pas, ait l'air de sauter à l'aide de tremplins.

D'ailleurs, de ces deux drames, l'un l'emporte de beaucoup par la sobriété, la cohérence de l'action et par la belle coulée du style. Des événements historiques trop importants, un décor trop spécial, des personnages qui tous, à satiété, ont été sollicités, rançonnés, fatigués par la littérature, toute la donnée de Philippe II était trop encombrante, trop voyante, et entravait le strict développement d'un drame psychologique. Aussi, mal- gré la beauté de l'acte où le roi, sans un débat, immole son fils à l'Inquisition, le Cloître offre à l'admiration un aliment autre- ment neuf et substantiel.

J. S.

��■3

�� �