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534 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Helmer au dernier acte a lu la lettre de Krogstad, il s'écrie : " Tu es sauvée, Nora, tu es sauvée ! " Dans le texte définitif Ibsen lui fait dire : " Je suis sauvé, Nora, je suis sauvé !"...

On trouvera, dans l'étude de M, William Archer, maint autre détail d'une égale importance. Elle est à lire tout entière. Ce qui fait pour nous l'intérêt presque pathétique de ces révéla- tions, c'est qu'en nous permettant de suivre pas à pas les hésita- tions, du génie, elles laissent moins désespéré nos propres efforts. Nul plus grand exemple ne les avait encouragés depuis

la Correspondance de Flaubert.

j. C.

a

s

DEUX DRAMES par Emile Verhaeren (Mercure).

Si ce n'est pas dans le Cloître et dans Philippe II que Ver- haeren se montre le plus " pur " poëte, on peut dire que c'est là qu'il apparaît le plus " grand. " Par le choix des mobiles tragiques, ces drames se rattachent à la sévère lignée corné- lienne. La sentimentalité n'y a point de part et si l'amour vient affoler l'orgueil malade d'un don Carlos, c'est presque par surcroît ; cet élément moins robuste alourdit la pièce plus qu'il ne l'étaie. Seul l'orgueil affrontant l'orgueil noue et dénoue la péripétie, qu'il soit de race, de droit divin ou égoïste, qu'il vise à la tyrannie de soi ou des autres ; orgueil toutefois qui n'est pas de parade, qui n'a pas pour principal objectif la gloire et l'opinion des hommes, mais qui ramassé sur lui-même, n'écoute que sa propre voix, non pas l'orgueil historique du XVII e siècle, mais un orgueil tout passionnel.

Ces drames recueillent tout ce qui était de bon aloi dans le théâtre de Hugo et dans les poèmes médiévaux de Leconte de Lisle : l'éclat d'une langue tumultueuse mais épurée de vains ornements et d'inutile couleur locale, un lyrisme sans panache et, pourquoi ne pas le dire ? un espagnolisme tel qu'il a pu s'assagir dans les Flandres. Il semble difficile que ceux qui se voilent la face devant Ruy Blas se sentent conti- nûment à l'aise devant Philippe II, et que ceux qui bâillent à Hiéronymus goûtent sincèrement la sombre tension du Cloître.

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