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IOO LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Nous les jetons, sans une larme, au précipice De la cité.

��Nous avons le désir d'aimer ce qui nous brise; Graves de quiétude et frémissants de joie, Nous cessons d'être nous pour que la ville dise : " Moi ! "

Avant d'aboutir à ce cri, le livre nous promène d'abord au travers des agglomérations humaines : la caserne, le théâtre, l'église, le café. La palpitante conscience d'une sorte d'homo- gène pluralité emplit déjà ces premiers poëmes d'une émotion singulière ; mais ce sont à mon avis les moins beaux du volume ; il semble que l'auteur s'y essaye ; " turba ruit ou rutint" . Dans une seconde partie, il se pose en individu, lui, poëte, en individu qui d'abord regimbe et s'exalte :

Emmanchée au couchant une lame d'azur Se pose sur le tronc de la ville et l'entaille ; Par la fente, en bouillons de sève et de résine, Les rêves libérés des hommes vont jaillir. Une usine là-bas a de fières fumées Qui s'allongent

Pour tâter, à travers le brouillard, les étoiles. Il fait fort, et la poigne énergique de l'ombre Presse mon âme qui ruisselle de printemps Comme une éponge.

Trop de murailles m' exaspèrent. Nous avons Les froissements et les soubresauts d'un ballon

Qu'on voudrait traîner par les rues. Ne pleure pas ; entends les câbles distendus Qui se rompent !

Moi que j'aime ! Le poids de la vie unanime Qui t' ensevelissait comme un manteau d'hiver Glisse de tes épaules

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