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LES REVUES 761

tion internationale : Y a-t-il une Europe ? Que vaut la Société des Nations ? Keyserling, Middleton Murry, Vilfredo Pareto, Unamuno, Gide, Merejkowski ont répondu, ou répondront. Robert de Traz, qui pose les questions, et par avance tâche d'appeler, d'entourer les réponses, écrit :

En contestant la possibilité de refaire l'Europe aujourd'hui, nous discréditerions celle d'autrefois dont nous sommes les héritiers. Dire que les nationalités sont irréductibles et hostiles, c'est dire que Saint Louis n'est que Français, Dante n'est qu'Italien, Gœthe n'est qu'Allemand ; c'est dépouiller notre esprit, c'est détruire notre patrimoine. Les siècles dont nous sommes nés ont élaboré certaines notions morales où nous nous reconnaissons tous : l'honneur du gentilhomme ou du gentle- man, la liberté individuelle, l'idée du droit, bien d'autres encore : allons- nous, par méfiance réciproque, renoncera ce langage commun ? Tandis qu'être Européen, c'est perfectionner une entreprise que nous ont léguée nos prédécesseurs et dont les bienfaits nous nourrissent encore.

La Suisse est le lieu naturel d'une conversation internationale :

L'Europe actuelle est multiforme ; démocratique et nationaliste, c'est- à-dire sentimentale, elle se complaît dans ses variétés. Rebelle à toute influence éducatrice et autoritaire, il faut la comparer à une famille où il y avait naguère quelques aînés et beaucoup de cadets et où tous les enfants sont devenus majeurs et ne veulent plus écouter personne... On nous excusera de citer ici, à titre de renseignement pratique, le cas de la Suisse qui rassemble en une même harmonie vingt-deux peuples divers. Cette cohabitation est rendue possible, grâce à un consentement général à l'hétérogène... Voilà un premier point : souffrir comme une chose naturelle que mon voisin ne concorde pas exactement avec moi- même. Et en voici un second : mon voisin et moi, quoique différents, nous voulons vivre ensemble. Aux Fatalités centrifuges qui nous oppo- seraient, nous opposons'notre résolution humaine de demeurer unis. Cela ne nous empêche pas de nous plaindre l'un de l'autre, de nous disputer : mais toujours, sous nos récriminations, se maintient la croyance latente qu'il est bon, qu'il est nécessaire que la Suisse demeure. Et l'on voit cette croyance éclater tout à coup lors des grandes fêtes populaires par exemple, en véritables actes de foi collectifs. Ces deux conditions sentimentales de la paix helvétique peuvent-elles se réaliser sur un beaucoup plus large théâtre. Pourquoi pas ?

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