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748 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

maris ou leurs amants accablent. M me d'Aiguesein, Paulette, Olga, figures un peu trop directement balzaciennes peut-être, ne s'oublient pas.

Une autre caractéristique de Luc Durtain, avec son imagina- tion et son don de synthèse, c'est l'art qu'il possède de cons- truire tous ses personnages, jusqu'aux plus épisodiques, à trois dimensions. Tourguenieff établissait les biographies com- plètes de tous les personnages qu'il introduisait dans ses romans. Luc Durtain ne se contente pas de les établir pour lui- même dans ses préparations, il les livre au public en raccourcis et en coups de sonde qui ne sont qu'à lui. Une certaine façon de rattacher le moindre geste à sa signification sociale n'appar- tient également qu'à Durtain.

On éprouve en fermant ce livre une sensation de plénitude et d'achèvement que l'abus des images (images parfois inutiles et trop souvent médicales) et le tarabiscotage souvent agaçant, toutes les scories de la forme ne parviennent pas à entamer. Il faut enfin signaler que Luc Durtain a retrouvé le ton de la grande familiarité épique qui lui permet d'interpeller les Muses ou son lecteur sans jamais déchoir.

Le ciment secret de ce beau roman, c'est son souffle lyrique, son idéalisme social. Le roman de pure analyse est mort ou doit mourir, sa veine est tarie ; mais il ne meurt que pour mieux renaître dans le roman de synthèse de demain où l'ana- lyse jouera, avec toutes ses nuances et tous ses scalps, le rôle épisodique qui doit en toute justice lui échoir pour compléter la mise à nu des caractères en action.

Ce qui manque à ce très beau roman, pour approcher du chef-d'œuvre, c'est un style vraiment d'aujourd'hui» ce style qui est dans les œuvres les plus diverses, dans Proust, Giraudoux, Larbaud, Morand, Paulhan, Aragon, Romains. Ici, malgré les nouveautés très personnelles, nous en sommes encore au style Paul Adam, Huysmans, Zola, République d'avant-guerre. Dou\e cent mille démontre qu'il peut encore donner de beaux fruits.

BENJAMIN CRÉMIEUX

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��AU LION TRANQUILLE, par Marmouset (Librairie de France).

Ce roman est un bon petit livre bien digne de vivre sans sa

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