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notes 739

sans plus des sentiments ; et une des beautés du livre réside dans le sens aigu chez les personnages eux-mêmes des abandons, des reniements, des ingratitudes que ce retour comporte, et auxquels cependant c'est la sincérité même qui nous invite. Voilà les dessous — d'importance et de valeur si générales — qui font du Camarade Infidèle, un des livres les plus directement issus de la guerre, et d'autant plus directement peut-être que le rôle de la guerre s'y réduit à celui d'une ombre portée. Partout v est sen- sible l'inévitable déchirement du combattant en face de l'attitude que lui commande l'après-guerre. Après comme avant, la sincé- rité s'affirme l'intacte et exigeante déesse ; mais l'honneur de Schlumberger c'est de ne jamais fermer les yeux sur ce que l'on peut avoir à perdre en remettant le cornélianisme au fourreau. Nulle part la coupure si choquante qui se produisit dès l'armis- tice n'a mieux été marquée qu'en ce passage :

... Cette torsion qu'où s'est fait subir, on ne la détord pas d'un jour à l'autre. On n'a fait don de soi qu'au prix d'une extrême violence : on ne se reprend pas au premier commandement ; et ce qu'on a eu tant de mal à s'imposer comme inviolable, on ne peut pas le considérer tout à coup comme insignifiant.

Vernois s'aperçoit qu'il fait de l'éloquence, mais, contrairement à ce qu'eût été son mouvement habituel, il ne songe pas à s'en excuser. Sur la joue qu'elle aperçoit de profil, Clymène remarque un pli qui tantôt n'y était pas.

— J'ai vu, dit-elle, l'incompréhension de l'arrière pour les angoisses du front éveiller des sentiments très amers chez quelques blessés dont j'ai suivi la convalescence ; à tel point que la colère et la rancune les aidaient à vaincre la crainte d'un nouveau départ.

Jamais Vernois n'a connu le plaisir de sentir une autre pensée venir si vivement au-devant de la sienne ; il en oublie sa taciturnité.

— Déjà pendant nos permissions, dit-il, nous flairions le malen- tendu ; mais on avait tant d'intérêt à ne pas nous décourager qu'on usait de quelque prudence. C'est seulement une fois tout danger passé qu'on a cyniquement jeté les masques. On pouvait enfin tout dire et tout faire, et rire de ces lieux communs, bien râpés, bien usagés dont on avait tiré un si beau rendement. Dieu sait si le retour nous soulevait d'ivresse, et pourtant ces premiers mois de liberté restent dans notre souvenir parmi les plus sombres, ceux où nous nous sommes posé les questions les plus découragées.

Entre un tel sujet et les moyens de Schlumberger il semble

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