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730 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

la découverte de la Lotion Balzac, est devenu très chevelu après : « s'est enrichi ». Le cas de F. Brunetière n'est pas sans ressemblance avec celui d'Emile Zola. Ce que Zola fut comme romancier. Brunetière l'a été comme critique. Tous deux se sont crus scientifiques et modernes de la même manière. Il y a chez Brunetière la même pauvre ruse que chez Zola : le placage d'une grossière doctrine scientifique sur de vieux préjugés de collège. Mais, d'autre part, il y a chez Brunetière une grande bonne volonté, une application honnête de ses principes faux, de la naïveté et de l'entêtement. Zola a quelquefois réussi à exprimer, Brunetière n'a jamais réussi à critiquer. Où, chez Brunetière, la sottise devient, sous la naïveté, palpable, c'est quand il se demande si Don Quichotte est un roman. (Cela aussi est dans Honoré de Balzac, qui est d'après 1900). Il a pu entre- voir, çà et là, des lueurs de vérité. Mais la fausseté de sa doctrine domine toute son œuvre, l'écrase, l'anéantit, la nullifie. Il serait intéressant d'en sauver le bon : quelques heureuses ren- contres qui ont échappé à la vigilance de son dogmatisme.

Voilà quel jugement le plus illustre représentant de l'Esthé- tique moderne porte sur F. Brunetière, et on peut voir, dans le réquisitoire de F. Vandérem, le développement de toutes les conséquences de l'erreur initiale de l'auteur de Honoré de Bal\ac. Le passage de Benedetto Croce que je viens de résumer et l'étude de Vandérem sur les Manuels mettent la situation dans tout son jour, et il n'y a rien à ajouter au jugement porté par le philosophe italien et le critique français. Il n'y a qu'à souhai- ter la disparition rapide des mauvais manuels qui, au lieu de faciliter aux étudiants la connaissance de notre littérature, leur en ferment les avenues.

Mais je suis sûr que tous les hommes qui, comme moi, ont souffert, autrefois, de cette incompréhension systématique et dogmatique des manuels et de leurs auteurs ; qui ont vu, ne serait-ce que pendant une courte période, quelques-uns de leurs plus chers amis, élèves de « cagne » ou de la rue d'Ulm, subir l'ascendant de ces maîtres ignorants, et déclarer nette- ment, par exemple, que Rimbaud ou Laforgue étaient des « gosses » sans importance, ou prononcer le fameux a Nous n'écrivons pas », d'un ton qui signifiait que la Littérature avait fait son temps (comme la Religion) et qu'un pareil désordre

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