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NOTES 729

matique que donne à la longue, et si on n'y prend garde, l'habi- tude d'enseigner, — et voilà Faguet et le manuel de Faguet.

Le cas de Brunetière est un peu différent, et surtout plus complexe. Mais il a été si bien décrit par Benedetto Croce que je ne résiste pas au désir de citer et de résumer ici ce que dit de lui l'illustre philosophe napolitain, disciple de Francesco De Sanctis :

... La distinction des genres se promène encore dans les livres d'Enseignement littéraire, écrits par des philologues et des lettrés, dans les ouvrages scolaires d'Italie, de France, d'Allemagne ; et des psychologues et des philosophes continuent à écrire sur l'esthétique du tragique, du comique, etc.. L'objectivité des genres littéraires a été franchement soutenue par Ferdinand Brunetière, qui considère l'His- toire Littéraire comme l'évolution des genres, et donne une forme aiguë à un préjugé qui, pas toujours exposé avec une telle franchise ni appliqué avec autant de rigueur, infecte les histoires littéraires d'aujour- d'hui...

Croce, continuant, voit dans Y Honoré de Bal\ac de F. Brune- tière un exemple typique de cette erreur. Il y est sans cesse question du « Roman » comme d'un « genre » ayant des « lois ». Tantôt le Roman est un personnage auquel il arrive des aven- tures, tantôt c'est un jardin qu'on cultive, ou un fruit qui atteint sa maturité, ou encore un instrument qu'on « porte à son point de perfection ». Il a une méthode; des lois. On ne comprend pas toujours ce que Brunetière veut dire par ce mot : tantôt il paraît penser que ce sont les lois du développement, ou de ce qu'il appelle l'évolution, du « genre Roman », tantôt on dirait qu'il donne des lois selon lesquelles « le Roman » doit être écrit. (Plusieurs fois on lit : « Le Roman doit... ») De cette erreur initiale découle toute la fausseté du livre. Il n'y est pas question de Balzac, homme ou œuvre. Ce sont de vaines et vagues dissertations sur des aspects extérieurs de quelques groupes des romans de Balzac. Il n'y pénètre jamais. Las de cette promenade en rond autour du monument, il se met à dis- serter, à propos de Balzac, sur la valeur morale du Roman, etc. Il se félicite d'éviter les comparaisons avec les contempo- rains (comme on les trouve chez Sainte-Beuve et à sa suite), mais il y retombe à son insu en faisant ses comparaisons dans le temps : avant Balzac, après Balzac. Le Roman, chauve avant

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