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668 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Se plaignant, un peu plus tard, d'une fausse interpréta- tion d'un de ses poèmes en prose, « il est vrai, dira-t-il, que j'aime assez cette façon de se tromper sur moi et de comprendre fantastique là où j'ai voulu faire émou- vant '. »

Oui, le fantastique, — mais qui n'est pour lui qu'une réalité plus grande, plus essentielle du monde perçu, — est bien la fin suprême, et le résultat dernier, de toute sa dévotion sentimentale. C'est à produire un certain déta- chement sur fond inconnu de la vie tout entière que tendent ses admirations et ses apitoiements.

Aux personnages de Solness le Constructeur il reproche une allure trop allégorique : « Je voudrais que la vie simple des personnages et celle des symboles fût plus mêlée. Je voudrais que leur vie tût un symbole et non pas eux... Je voudrais que la vie s'éclairât sans qu'on y pense, rien qu'à

��vivre avec eux 2 . »

��Le don qu'il se découvre est ici défini dans sa simplicité même, sous la forme où il défie l'analyse. C'est le don d'illumination, au sens actif du mot, le don d'allumer au sein des êtres et des choses, sans en rien prendre de plus que «ce premier coup d'ceil qui dit tout», une sorte d'absence d'eux-mêmes et de vacance sur l'infini, — une clarté timide faite de leur subite aliénation. Tout dérive, tout s'en va sous son regard, tout se donne, en silence et sans drame, à l'abîme. « La vie s'éclaire sans qu'on y pense. » Sa ténuité laisse entrevoir de pâles foyers ravis- sants. Le monde est « joué » avec « une seule pensée. »

��JACQUES RIVIERE

��i. Lettre du 31 décembre 1908. 2. Lettre du 17 février 1906.

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