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ALAIN-FOU RNIER 65 I

Laforgue devait lui servir comme d'une vengeance anti- cipée contre cette étrange nation des femmes à laquelle il avait la plus étrange idée encore d'aller demander du bonheur. Il avait à ce moment-là des relations, tout à fait pures d'ailleurs, avec une petite étudiante, qu'il accom- pagnait chaque dimanche et tâchait de former suivant son idéal. Il ne cherchait pas trop à la transfigurer à mes veux ; mais je sentais quelque chose en lui, dès ce moment, se débattre contre les bornes par trop précises qu'elle in- fligeait à son imagination ; il la lui fallait déjà plus sincère, plus candide surtout qu'elle ne pouvait être. Et de ses petitesses, de ses coquetteries il soutirait comme d'autant d'injustices qu'elle eût commises envers lui.

Pourtant il ne faudrait pas se représenter Fournier comme dominé par le scepticisme moral ou le dépit, ni comme dépourvu de tout réalisme ; à ses chanceuses aspirations le goût des choses concrètes formait dès ce moment contrepoids.

Déjà chez Laforgue il n'admirait pas seulement l'exilé en ce monde ni l'amant tyrannique et craintif. Voulant me le faire comprendre et aimer, c'est toute une série d'impres- sions de nature, choisies au hasard des pages, qu'il recopiait pour moi dans une de ses lettres :

«• O cloîtres blancs perdus,..

— Soleils soufrés croulant dans les bois dépouillés...

... Paris ! ses vieux dimanches dans les quartiers tannés où regardent des branches par-dessus les murs des pensionnats, etc. » »

Dès ce moment il demandait à la poésie une certaine traduction en langage clair et insaisissable, de la plus humble réalité. C'est pourquoi Jammes, que nous avions découvert dans Y Angélus de Faute..., l'avait du premier coup enchanté.

1. Lettre du 22 janvier 1906.

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