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��MARCEL PROUST

��Un malheur affreux vient de nous frapper, frappe les lettres françaises : Marcel Proust est mort. Malgré la vie cloîtrée qu'il menait depuis plusieurs années déjà, rien dans sa santé ne semblait irréparablement atteint ; il avait même un fonds de résistance qui étonnait ses amis et les empêchait d'imaginer que la maladie pût jamais le vaincre. Une petite grippe qu'il n'a pas su ni voulu soigner, a traîtreusement déjoué ses défenses et nous l'a pris.

Sur cette tombe, il faut avant tout éviter l'emphase. Il faut que notre douleur se maintienne intérieure et sage, comme lui-même fut appliqué et profond.

Et pourtant c'est un ami de la plus rare bonté et d'un charme délicieux que nous perdons. Et pour- tant c'est un des plus grands écrivains français qui s'en va. Et pourtant c'est la lumière la plus éclatante que la France ait projetée sur le monde, dans le moment même où on pouvait la croire épuisée par la guerre, qui s'éteint.

On ne sait pas encore, on ne peut pas savoir encore, mais on verra peu à peu combien Proust est grand. Les découvertes qu'il a faites dans l'esprit et dans le cœur humains seront considérées un jour comme

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