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6l6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

la durée pure immédiatement perçue par les consciences humaines implique, à son sens, la réalité d'un Temps matériel un et universel, « Ce n'est qu'une hypothèse, dit-il, mais elle est fondée sur un raisonnement par analogie. » Suit ce rai- sonnement par analogie qu'on trouvera aux pages 58 et 59 de Durée et Simultanéité. — Je ne crois pas que les einsteiniens lui accordent plus d'attention qu'à la « conscience universelle », la « conscience monstre » de M. Edouard Guillaume, qui eut si peu de succès au Collège de France. — En second lieu, M. Bergson estime que les temps relatifs et multiples d'Eins- tein prouvent l'existence d'un temps absolu et unique. Et il donne de cette assertion d'allure paradoxale une démonstration extrêmement fine et élégante que Ton pourrait croire inspirée par M. Painlevé. Au Collège de France, M. Painlevé insista sur la réciprocité qui doit exister logiquement, au point de vue de la mesure de l'espace et du temps, entre deux systèmes en mouvement relatif l'un par rapport à l'autre. M. Bergson insiste à son tour sur cette réciprocité. Si un observateur A voit les mètres et les horloges que porte un observateur B raccourcis et ralentis par la vitesse, de même l'observateur B verra les mètres et les horloges de A raccourcis et ralentis dans les mêmes proportions. Si B paraît à A vieillir moins rapi- dement, c'est l'inverse qui se produit pour B. Toutes choses sont égales et réciproques. A ne vieillit pas plus que B et B pas plus que A. Il n'y a donc pour les deux qu'un seul et même temps.

Les einsteiniens répondront que, seuls, les systèmes en mouvement uniforme de la relativité restreinte jouissent d'une réciprocité, mais il n'en est pas de même des systèmes en mouvement accéléré de la relativité généralisée. Le fait pour un système matériel d'être en accélération ou en rotation, ou d'être soumis à la gravitation, exerce sur les instruments de mesure une influence telle que, seules, des mesures locales sont possibles et qu'elles ne sont point comparables d'un lieu à l'autre. Comme le dit M. Borel, l'attraction newtonienne ou une accélération rapide entraînent un ralentissement des horloges. « Le ralentissement de toutes les horloges doit en- traîner également le ralentissement de tous les phénomènes, car tout phénomène est une horloge plus ou moins grossière,

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