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NOTES 623

qualités que le catholicisme n'a jamais obligé ses fidèles à dépouiller.

Mais ce ne sont là que des avertissements à la prudence qu'il est intéressant d'entendre un bon catholique, et plus ancien dans sa foi, adresser à ses jeunes coreligionnaires. Il me semble que Barrés pourrait invoquer pour sa défense certains argu- ments positifs dont on ne trouve dans son article d'apologie que l'embryon :

Etudier et remuer les passions, écrit-il, est-ce un mal en soi et une action sans efficacité ? Descartes, si j'ai bien compris son Traité des Passions, croit dur comme fer que les passions sont des forces avec lesquelles on peut produire de grandes bienfaisances. Allons-nous les ignorer, les redouter avec haine et refuser de faire leur éducation ? Pour moi le grand artiste tend à améliorer ce que la nature nous sug- gère de pire mêlé avec de l'excellent, et les belles lettres accomplissent, pour une grande part, l'œuvre de la civilisation celle-ci étant définie dans les termes qu'a proposés admirablement Baudelaire : « La civilisation, dit-il, n'est pas dans le gaz, ni dans la vapeur, ni dans les tables tournantes. Elle est dans la diminution des traces du péché originel. »

Eh ! oui, va-t-on laisser dire que le catholicisme ignore les passions, ou ne les connaît que pour les condamner ? Va-t-on laisser transformer une doctrine d'amour, bien mieux : la seule grande théorie de l'amour qui ait jamais existé, en un morne système de prohibitions ?

Il me semble à moi, profane, que si le christianisme a une originalité, c'est bien celle d'avoir osé réquisitionner les pas- sions de l'homme. Quelle doctrine philosophique, ou même religieuse (je pense aux doctrines orientales) a jamais osé absorber une aussi grande quantité des forces instinctives qui s'agitent en nous ?

Sans doute, en inventant l'amour de Dieu, il a dépouillé l'amour humain de son exclusive royauté, il l'a frappé de ser- vitude l . Mais on pourrait aussi bien se demander s'il ne l'a pas, par là même, créé, s'il ne lui a pas en tous cas communiqué une sublimité dont on n'avait jamais eu l'idée jusque là de le parer.

1. La seule objection valable, du point de vue catbolique, contre le Jardin sur VOronte, c'est que le principe de cette servitude y est un peu trop méconnu.

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