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CHRONIQUE DRAMATIQUE 6l<?

lie est sauvée. La ville est en fête. Le peuple acclame Judith. Mais une âme comme la sienne ne peut trouver le repos. C'est l'éternelle insatisfaite, irrésolue et changeante, déçue aussitôt que comblée, toujours ardente, pressée, et chaque fois désen- chantée et le cœur vide. Judith a maintenant la gloire, et la gloire la laisse sans contentement. Indifférente aux acclama- tions, elle se tourne de nouveau vers l'amour et n'a que déses- poir d'avoir tué Holopherne, d'avoir glacé cette bouche qui la couvrait de baisers, éteint ces yeux qui se remplissaient de sa beauté, séché ces bras qui l'étreignaient. Il faut qu'elle bouge encore. Elle était partie un jour, poussée par l'ambition, pour tuer Holopherne. Il faut qu'elle parte maintenant pour revoir encore une fois le visage de son amant, au haut du gibet sur lequel on a cloué sa tête. Arrivée là, elle lui parle, elle la supplie, l'adore, cherche à voir, dans la nuit, à la faveur d'un éclair, ce visage aimé. La vision qui lui est offerte n'est plus que celle d'une tête exsangue, les yeux déjà dévorés par les corbeaux, et Judith s'écroule au pied du gibet.

Ce sont ces deux derniers tableaux qui font tache, à mon avis, dans l'ensemble, sans rien ajouter à la pièce, et lui nui- sent par l'impression qu'ils laissent. Le beau drame psycholo- gique que M. Henry Bernstein a imaginé avait sa fin naturelle dans la scène dans laquelle Judith, déçue par la gloire et se retournant vers l'amour, se désespère d'avoir tué Holopherne. L'exhibition mélodramatique du gibet nous fait retomber dans un simple théâtre d'effets, dans la déclamation la plus inutile. Il est surprenant qu'un auteur dramatique comme M. Henri Bernstein ne se soit pas rendu compte d'un contraste aussi fâcheux.

Enfin, je crois bien aussi que pour une œuvre de ce caractère, le style manque un peu.

D'autres scènes fort intéressantes se placent au cours du débat entre Judith et Holopherne. Par exemple, au deuxième tableau, la dispute entre les généraux cupides, débauchés et jaloux les uns des autres, sous les yeux indifférents et méprisants d'Holo- pherne, songeur sur son siège de chef. Egalement la scène, dans l'un des derniers tableaux, entre Judith et le jeune Saaf qui l'aime depuis longtemps. Il remarque le tourment et l'indécision de Judith au milieu de son triomphe. Il la

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