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57° LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

dernier verste, je criais plus fort que si l'on m'égorgeait... C'est ainsi qu'un matin je fus réveillé, une main dans les mains de Lili, une autre comprimée dans les mains de Lieviné Lieven, par un vacarme. Protégés par le bruit de la machine à écrire, quelques prisonniers avaient comploté. Us venaient de désarmer les gardes, et cherchaient main- tenant à sortir par le vestiaire... L'escouade de secours les avait refoulés en tirant en l'air. Il ne restait plus, barri- cadé derrière l'estrade de l'ouvreuse que le bon fou du Docteur Lipp, déchaîné, et qui tirait à vraies balles sur les hideux personnages dont le Docteur lui avait révélé les méfaits.

— Ah ! petits égoïstes, criait-il écumant, vous faites tuer les Arméniens !

Il rechargea son fusil.

— Ah ! petits méchants ! vous avez fait massacrer les Roumains de Temesvar !

Il tira, puis monta debout sur la barricade.

— Ah ! grands paresseux ! vous ne payez pas les Français ! Ici il tomba en avant, et je ne vis plus rien.

��*

��A neuf heures, un officier pommadé vint chercher Lieven, qui affectait de croire, sans doute pour obtenir mon adresse à Paris, que je lui avais sauvé la vie, et qui nous quitta en cherchant par quoi il pourrait bien dégoûter son garde. A dix heures ce fut mon tour. Les nouvelles, d'après mon surveillant, n'étaient pas bonnes. On disait que Zelten était tué. La vérité était que les armuriers téléphonaient à la police dès qu'un étudiant leur avait acheté un revol- ver. Mais le revolver n'est pas le signe caractéristique des assassins d'hommes d'État ; c'est le petit pain et la barre de chocolat que l'on trouve toujours dans leur poche ; et les indications des boulangers sont plus précieuses, en révolution, que celles des armuriers. Zelten était sain et

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