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55^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

5.000 marks dans son voyage en Suisse ? J'ai fait et refait le calcul, avec les tables de change ; j'ai compté comme pour moi-même ; pas de bain ; les places en seconde, avec l'aller et retour jusqu'à Landau, et la carte-tarif suisse. Je compte les trois dîners offerts à Albert Thomas et à Ambroise Got à 7 francs suisses chacun ; je compte 10 francs les deux ressemelages ; et j'arrive à 5.230 marks. C'est 230 marks que legou vernemen t bavarois doit encore à ses pauvres héritiers. . .

— Tais-toi, tais-toi, dit la voix d'enfant. Que fait Zelten ?

— Que veux-tu qu'il fasse ! Il attend Kleist, il attend Thomas Mann, il attend sa lettre de Gorki, sa lettre d'Ana- tole France ! Les dictateurs collectionnent les autographes et disparaissent. En tout cas, il a trouvé au courrier la mienne où je réclame les 230 marks. Au fond, tu le con- nais, ce n'est qu'un Allemand, ce qu'il attend, c'est Gœthe, c'est le vrai Kleist. Mais la France est le seul pays où les morts régnent et arrivent au commandement. Il ne veut que des Bavarois en Bavière ! C'est comme s'il ne voulait que des Allemands en Allemagne et à qui est l'Allemagne, sinon à nous ? Cette belle bourgade de Berlin, à qui est- elle ? A qui est le village de Francfort ? A qui est le district de Leipzig ? Que Zelten me trouve un bateau, un théâtre, une barque où nous ne soyons les maîtres ? Chez Rhein- hardt, l'autre soir, au Marchand de Venise, il n'y avait pas un seul chrétien dans les quarante-trois acteurs qui insul- taient Shylock ! Que Zelten me cite un seul beau livre ou me montre un seul beau tableau fait depuis trente ans par d'autres que par nous ! Qui est Schnitzler ? Qui est Cassirer ? Qui est Rathenau ? Qui est Liebermann ? Le bec de l'aigle allemand c'est notre nez.

— Tais-toi. Tu es banal comme un national-libéral ! On nous écoute.

— Qui nous écoute, ma reine ? Le Canadien ? Je me moque du Canada. Je me moque de l'Amérique. Le billet coûte trois cents dollars. Laisse les Allemands s'y précipiter,

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