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502 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

d'hui. Il faut ajouter pourtant que le sanguinaire l'y disputait souvent à l'indécence, piment auquel on ne songe plus assez. Il est sans doute qu'il reparaîtra.

Les trois comédies que M. Mélèse a pris la peine de traduire s'intitulent : The Scornful Lady (La Dédaigneuse), Rule a ivife and hâve a wife (Ecole de dressage) et Monsieur Thomas. Elles sont fort différentes les unes des autres et vont, si je puis dire, crescendo, en s'améliorant ; heureusement, car personne n'affronterait deux Dédaigneuses. Un amoureux évincé par une dame versatile, part, revient sous un déguisement, et après avoir chassé de chez soi un frère qui, le croyant mort, dilapidait ses biens avec de joyeux drilles, conquiert enfin l'amour de sa maî- tresse quand il a compris qu'il suffit, pour triompher, d'être dur, grossier, brutal et moqueur. C'est en quelque sorte une Mégère apprivoisée très « après la lettre », celle-ci ayant été écrite vers 1596 déjà, c'est-à-dire quinze ou vingt ans auparavant. De plus, il en faut retirer tout l'art du modèle. Il n'y a pas, dans la Dédai- gneuse, un seul caractère fortement dessiné, un personnage vrai, une situation probable. L'art n'y est qu'artifice, ie comiqueque vulgarité, et la curiosité première se change bientôt en un mar- telant ennui. L'écho même lointain du rire de Falstaff nous empêchera de jamais rien entendre aux platitudes de Loveless jeune.

Avec l'Ecole de dressage, on change de siècle et de climat. Voici l'Espagne du xvn% un Don Juan, une Margarita, un Pérez et quelques scènes de bonne comédie encartées dans une his- toire absurde et sans intérêt. On voit ici au naturel la manière de Beaumont et Fletcher, qui est typique de celle des auteurs du troisième ordre : une scène a faire s'impose à leur esprit ; ils l'écrivent — souvent avec brio — puis l'obligent, de gré ou de force, à entrer dans un scénario où elle n'a que faire. Mais le public s'y amuse, et voilà qui suffit. Quant aux personnages de la pièce, ils sont trop falots pour retenir l'attention et l'on n'at- tend d'eux que quelques calembours, des disputes, des quipro- quos, un certain nombre de mots obscènes. Toutes choses, au reste, largement prodiguées.

La meilleure des trois pièces du recueil est Monsieur Thomas. L'on croirait presque entrer dans un conte de Dickens, et la sur- prise est agréable de rencontrer enfin un jeune homme et une

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