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490 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

dans les sources. Parmi ces lettres, celle de M lle Bernard (« Ma tante, vieille chipie, je vous avertis d'avoir à vous taire... ») et celle d'une jeune ouvrière au fils de son patron (« Je sentais bien que vous nètie\ plus comme avant, du temps de l'avenue Phi- lippe-Auguste... »), iront au ciel.

Faut-il répéter que Max Jacob est un de nos maîtres, et qu'il embellit notre époque ? paul moraxd

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��LA FIANCÉE MORTE, par /. N. Faitre-Biguet (Flam- marion).

Selon une antique légende slave, lorsque, jadis, une fille mourait vierge, la coutume était de la fiancer à un jeune homme, mort lui aussi sans avoir pris d'épouse. « Pour ces deux fiancés d'outre-tombe on dressait des contrats, comme s'ils eussent été vivants. Et le jour de leurs tristes noces, on brûlait les parchemins et les présents qu'on leur avait ofierts. Ainsi, sur l'aile légère du feu montait vers eux, jusqu'au monde qui est au-dessus de la terre, la nouvelle de leurs fêtes nuptiales. » Tel est le thème très poétique par lequel M. Faure-Biguet cherche à expliquer l'anxiété sans cause et les désirs mystérieux de la jeune danseuse russe dont il nous conte la vie. Isis — c'est le nom que lui ont donné ses amis — croit que l'âme d'une de ces loin- taine s fiancées mortes s'est incarnée en elle ; et elle épuise sa vie terrestre à retrouver Vautre âme. L'action est voilée tout du long par les légères fumées de l'opium.

Le défaut d'un tel sujet est qu'il réunit trop d'éléments artifi- ciels : l'énigme d'une vie antérieure, l'extase de la danse, les rêves de l'opium, etc. De ce fait, les personnages, si vrais et si finement exprimés que soient leurs sentiments, ont une figure quelque peu fictive. L'artificiel, dans la littérature, prend des formes successives qui varient comme des modes. On dirait que chaque génération d'écrivains a sa névrose particulière. Voilà vingt-cinq ans, c'était le culte des lys et la mode de la robe « Sixtine ». Aujourd'hui c'est la vogue des danseuses nu- pieds et la passion de l'opium. Les romans où l'on assiste au « déroulement des voiles » et où l'on entend « le grésillement des pipes» ne se comptent plus. Et généralement, hélas ! les

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