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NOTES 483

LA POÉSIE

LE COFFRET DE SANTAL, par Charles Cros (Stock).

On a rouvert ce coffret de bois parfumé et l'odeur légère qui s'en échappe encore est plus douce à respirer que l'acre odeur de la poésie à la mode. Les lacs du Souvenir sont plus bleus que les lacs de pétrole et les vers de Charles Cros n'ont pas tant vieilli que certains de ceux qu'on écrivait il y a trois ou quatre ans. Les thèmes poétiques chers à Verlaine et à tous ces jeunes gens qui cherchaient fortune autour du Chat-Noir de Rodolphe Salis, Charles Cros les emploie, non pas avec la sûreté du « Pauvre Lélian », mais avec une gaucherie char- mante et ridicule. Je ne sais si les jeunes gens de ma génération goûtent encore cette romance qu'on chante si bien entre les quatre murs du Lapin-Agile où les araignées du soir annoncent un éternel espoir aux jeunes femmes qui laissent croire qu'elles prennent de « la neige » (lisez : cocaïne), à leurs amants qui feignent d'écrire :

Sous un roi d'Allemagne ancien, Est mort Gottlieb le musicien. On l'a cloué sous les planches.

Toute la salle reprend en chœur :

Hou ! Hou ! Hou !

Et le chanteur achève :

Le vent souffle dans les branches.

Charles Cros fréquentait chez Nina de Villard où se réunissaient des poètes, vers 1890, Germain Nouveau, Jean Richepin « qui a mal tourné », et d'autres que je ne nommerai pas pour m'abs- tenir d'une érudition trop facile. Il est l'auteur du Hareng-Saur, monologue bien connu dans les cours de diction où les adoles- cents impatients d'être des hommes jouent les héros du réper- toire, sous les yeux rieurs des jeunes filles qui rêvent d'entrer au Conservatoire. Charles Cros est l'auteur aussi de dizains réalistes. On y lit parfois des vers presque semblables au disti- que célèbre de Coppée :

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