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466 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

(chez un Proust, chez un Giraudoux), d'une accélération de cadence tendant à mettre le style au rythme du siècle du ciné- ma et de la T. S. F. (post- futurisme, cubisme, etc.), enfin d'un besoin de créer de nouveaux mythes animateurs (unanimisme, etc.). Tendances qui sont aux antipodes des régions de cons- cience claire, d'immuable sérénité et de logique où se meut Anatole France, mais qui sont « autre chose » que du France et non pas son contraire.

Mais pour une autre part, la réaction présente contre Anatole France, loin de tendre à une libération plus com- plète de la pensée et de la forme, à une exploration plus fouillée de l'être humain, vise à restreindre, au nom d'une ou de plu- sieurs traditions éprouvées, l'individualisme et jusqu'à la liberté de tout penser et de tout dire ; réaction avant tout morale qui classe France parmi les mauvais maîtres et souvent (non pas toujours) s'associe à la campagne politique de dénigrement dont il était question d'abord.

Les traits qui précèdent sont grossis à dessein. Lorsqu'on parle, à propos de France, de défaveur, encore faut-il s'en- tendre. On le lit probablement autant que jamais, et en France et à l'étranger. Mais son influence décroît, on ne l'imite plus guère. C'est à quinze ans et non plus à vingt-cinq ou à trente qu'on raffole désormais de lui. Il ne semble plus à personne résumer toute la sagesse humaine. On le lit toujours ; on le relit moins. Il pourrait certes redevenir une bannière, si l' anti-rationalisme menaçait le vieux bon sens français ; mais il n'en est plus une.

Et cependant il en est de lui, mutatis mu tandis, comme de Hugo. On médit de France, on n'éprouve pas le besoin de rou- vrir ses livres, mais que d'aventure on ait l'occasion d'en rou- vrir un, on y retrouve la même séduction qu'autrefois. Le mal qu'on peut penser d'Anatole France, comme celui qu'on pense de Hugo, se dissipe dès qu'on s'attable avec eux. On ne leur résiste pas plus de dix pages.

La Vie en fleur confirme une fois de plus cette remarque. Aucun lecteur ne fermera ce livre sur un sentiment de décon- venue. Le charme opère d'un bout à l'autre. On aimerait con- naître dans le détail les raisons de ceux qui ont dressé, à propos de cet ouvrage, un constat de sénilité et le comparent, pour

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