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460 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

vince me sont déjà peu agréables, à plus forte raison certains idiomes de certains autres pays. Or, depuis quatre ans, Paris est envahi par une multitude de gens bizarres, à faciès peu séduisants, qui vous font des grâces dont on sent qu'il faut se méfier et qui disposent pour s'exprimer d'un baragoin impos- sible qui donne envie de se sauver dès les premiers mots qu'ils prononcent. Qu'est-ce que tout ce monde-là ? D'où vient-il au juste ? A-t-il été mis à la porte de chez lui pour venir ainsi nous combler de sa présence ? La France est hospitalière, je le sais, je le sais, du moins cela se dit. Tout le monde a le droit de vivre, je le sais également et d'ailleurs je ne demande la mort de personne. Mais je le répète, et j'admets que ce puisse être un défaut, je n'aime pas les sociétés mêlées. J'aime vivre avec les gens de mon milieu. Quand je n'ai pas de goût pour certains patois provinciaux, ce n'est pas pour me plaire au baragoin de tous ces Ostrogoths. Le jour que je voudrai voir de ces person- nages, il y a les chemins de fer, je prendrai un billet. Si encore ils se contentaient d'être dans les rues, ou de tenir certains com- merces comme ceux de tailleurs, marchands de chaussures, fourreurs, qu'ils paraissent affectionner particulièrement, au point qu'on ne "voit plus que leurs boutiques dans certains quar- tiers de Paris. Mais c'est qu'ils ont aussi leurs « intellectuels » comme on dit. Ceux-là sont chargés de négocier d'autres affaires. On les voit dans les journaux, dans les revues. Ils arrivent là, débarqués de la veille, chargés de dossiers, pleins de courbettes, l'air de sortir d'officines louches. Jusqu'à des femmes qui s'en mêlent, arrivant aussi leur rouleau de papier sous le bras ! Tous apportent, — qu'ils disent ! — des révéla- tions sensationnelles sur ce qui se passe en Russie, en Pologne, ou dans quelqu'autre de ces pays que la guerre a fait éclore comme par enchantement et dont on n'avait jamais entendu parler auparavant, Le merveilleux, c'est de voir l'accueil con- fiant, empressé, heureux, fait à ces messagers de la bonne parole politique, la crédulité sans borne qu'ils rencontrent. Notez qu'ils connaissent à peine le français. S'ils parlent, c'est à ne pas com- prendre un mot. On juge déjà par là de la déformation qu'ils doivent apporter aux faits qu'ils rapportent. Il est bien probable, de plus, qu'ils sont tous plus ou moins les agents de partis étrangers, chargés de nous présenter les choses de leur pays

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