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CHRONIQUE DRAMATIQUE 457

beaucoup ? Encore une chose dont je ne suis pas très sur. C'est si loin, la Russie ! On est si mal renseigné ! Il y a si longtemps qu'on parle de cet événement ! Nous n'aimons pas beaucoup les histoires à longs développements. Si nous sommes curieux, nous nous lassons également très vite. Il nous faut sans cesse'de nouvelles histoires pour nous intéresser et chaque histoire nouvelle efface celle de la veille. Je crois bien aussi que nous avons acquis une certaine méfiance pour tout ce qu'on nous raconte qui se passe là-bas. Naturellement, il y a toujours les gribouilles, ou les gens passionnés, ou les bonshommes qui ne voient au monde que la politique comme s'ils y avaient part et pouvaient faire quelque chose. Ceux-là vous ont des airs de savoir vraiment ce qui se passe là-bas. Le matin, ils se précipi- tent sur les journaux. Ils prennent pour paroles d'évangile ce qu'ils lisent là. Quand on apprend tous les jours que tantôt tels journaux, tantôt tels autres, ont touché à certaines caisses, lors de tel ou tel événement politique, pour fabriquer dans l'esprit de leurs lecteurs telle ou telle opinion nécessaire, le spectacle de ces dupes bénévoles ne manque pas de comique, non plus que leur assurance à parler de la révolution russe comme si elle se passait à Juvisy et qu'ils soient allés, entre leur déjeuner et leur diner, se rendre compte de ce qu'elle est dans tous ses détails. Le lecteur voudra bien m'excuser. Je n'ai ni cette passion ni cette jobardise. Il y a des gens que cela occupe de savoir ce qui se passe en Russie, en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Grèce, en Turquie, chez les Hottentots, au Pérou, à Pékin ou chez les Lapons ? Grand bien leur fasse. Moi, je m'en moque parfaite- ment. N'y pouvant rien changer, je m'en désintéresse au-delà de toute mesure, et n'ayant pas la passion politique pour le pays dans lequel je vis, je ne vais pas l'avoir pour des pays où je n'ai jamais été et où je n'irai jamais. Mon indifférence n'est pas abso- lue, néanmoins. Si je n'ai pas d'opinions, j'ai des préférences. J'ai cela de mon fauteuil, comme un homme qui n'a jamais voyagé et qui probablement, maintenant, ne voyagera jamais. J'ai de la sympathie pour les Anglais et pour les Allemands. Les Espagnols me sont odieux pour leurs courses de taureaux. Je ne crois pas que les Suisses m'enchanteraient. Je n'ai pas d'opinion sur les Italiens. Les peuples du Nord m'attirent peu par leur puritanisme et leur rigueur morale. Je n'ai pas du tout envie

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