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448 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

capitale, de celle qui approche de la trentaine, et qui sert généralement d'arbre de couche à la machine sociale, constitue proprement l'instrument du progrès effectif et du renouvelle- ment. La guerre l'a fauchée à peu près radicalement, n'en a laissé qu'un moignon, affligé souvent de tares physiques ou morales. Les jeunes filles qui viennent de dépasser la vingtième année, et qui ne peuvent pas trouver de maris (ni même de danseurs) d'un âge masculin correspondant normalement à leur âge, s'en aperçoivent encore mieux que les critiques. La place qui appartiendrait à cette génération est occupée tant bien que mal par des quadragénaires qui ont gardé une sou- plesse d'esprit, ou par de très jeunes gens d'une maturité excep- tionnelle. La vie sociale exige que le renouvellement s'accom- plisse, et il s'accomplit tout de même, mais dans des conditions anormales et au prix d'une violence faite à la nature des âges. Il semble bien que l'Allemagne, où cette amputation des jeunes classes a été au moins aussi complète que chez nous, en souffre aussi gravement, et, la défaite et le chaos intérieur s'ajoutant, éprouve des difficultés encore plus formidables que nous à reprendre son profil d'équilibre.

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��11 est donc naturel qu'à cette exigence des choses, à cette lacune de durée sociale, de très jeunes gens soient amenés à répondre par une maturité exceptionnelle. Les jeunes filles intelligentes n'en sont pas frappées et déplorent l'insignifiance de leurs petits danseurs. Elles ont peut-être tort, et en tout cas la critique est plus heureuse. Celui qui épie avec sollicitude les signes indicateurs de renouvellement français, celui qui se fait le doigt levé et l'oreille du Faune de Pompeï pour entendre J'herbe pousser et la durée sociale couler, celui-là trouvera beaucoup d'intérêt aux deux livres publiés à peu près ensemble .cette année par M. Alfred Fabre-Luce : sous son nom la Crise des Alliances, et, sous le pseudonyme de Jacques Sindral, la Ville Ephémère. Ce n'est pas que l'un et l'autre soient par eux- mêmes d'une originalité saisissante, ni que je me propose de découvrir en M. Fabre-Luce un Galois ou un Rimbaud. Ses deux livres prennent place dans une équipe. Mais l'auteur a

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