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PROJECTIONS OU APRES-MINUIT A GENEVE 445

d'actes impossibles, de sorts et de beaux poèmes suicidés. Ma tête barcole, je ferme les yeux et j'entre au milieu de Meunier tu dors et j'ai un peu envie de vomir, Maman.

Je balance, je frissonne, le navire tangue.

Les étoiles dansent dans le hublot, montent, descendent, mouches qui zigzaguent immobiles. Garçon, un soda. Pau- line tu es loin. La T. S. F. pleure là-haut. J'ai chaud à la figure. Pendant que l'orchestre fera danser et jouir discrè- tement les filles soyeuses des consuls, j'irai me rafraîchir sur le pont où tourniquent les Anglais qui posent calme- ment leurs triples semelles de caoutchouc, en possesseurs des mers. Je regarderai le mât hésitant qui cherche et pointe son étoile.

�� ��Malgré la tempête, l'héroïque stewardess apporte le cacao matinal.

Beurre en coques distinguées ; six confitures dans les cristaux nets ; croissants qui font la résistance feuilletée puis livrent le tiède mastic beurré de leur chair. Courrier de mes banquiers qui me prient de croire à leur profond respect. Illustrations anglaises : portraits de mes amies qui se fiancent.

Jouissance des pardons que la société accorde à ses élus.

Bain avec la caresse de la douche sous-marine. Un Ber- nois travaille la pâte hébétée de mon corps et parle des Landsgemeinde. La jolie Norvégienne aux cuisses d'acier me frictionne honnêtement. Le ténor me rase avec des prévenances, des craintes, des surcroîts et des raffinements; sa troisième lame est une aile de mouche qui stride avec beaucoup de dévouement. Nous arrivons ce soir à Jérusa- lem, crie-t-il de très loin.

Je sors, laissant un souvenir de lavande.

Le « Sphinx » s'égare dans les brumes du lac de Genève,

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