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PROJECTIONS OU APRES-MINUIT A GENEVE 437

« Oui, je me laverai dans le sang de l'Agneau ! Oui, entourez-moi de vos bras innocents ! Vous croyez vraiment que les anges chanteront en voyant mon repentir, dis-je en me mouchant. Vous ne croyez pas qu'ils se foutent de moi, les anges ? Ils sont beaux n'est-ce pas, les anges? Dites, ils ont des ailes couleur d'anisette mélangée d'eau, les anges, dites, ma sœur ? »

Le patron pousse ma sœur avec politesse. Et moi je laisse faire avec une sombre joie. Pourtant elle est bien gentille. Enfin, assez !

Je me susurre sur l'air du banjo le cantique perdu de mon enfance. Ruth Bonnard, la gouvernante lausannoise, me le faisait chanter le soir en cachette. Pénombre sous l'œil de la veilleuse en porcelaine, ah douceur chrétienne.

Oh! que ta main paternelle Me bénisse à mon coucher, Et que ce soit sous ton aile Que je dorme, 6 bon Berger !

Ma tète s'abaisse en stupéfactions cotonneuses. Paix donc aux hommes de bonne volonté.

L'orchestre reprend le collier, et avec des rages de Zoulou brusque la Madelon.

Me reniant, j'acquiesce à la beauté rustaude. Je serre la main au trombone et je barris un discours :

« Vive la Pologne ! Vive le Pape ! A bas les Juifs ! »

  • *

La musique s'emballe et je suis toujours plus un messie. L'œil du Japonais circule, lent mercure, sur ma face dégénérée.

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