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« Hé hé, grand personnage, qui sait si je ne le suis pas plus qu’on ne croit ? Qui sait. Je ne veux pas en dire plus. Peut-être un jour consentirai-je à dessiller les yeux des humains, et à Me révéler enfin. Mais je ne puis le faire encore ; l’heure n’a pas sonné. Et j’ai tant d’ennemis !

« Evidemment, je dis des bêtises. Je sais bien. C’était pour rire, vous comprenez. Vous n’allez pas croire que je pense vraiment ces choses. Non, n’est-ce pas ? Dites ? Merci beaucoup, Monsieur. Merci. »

Un couple danse encore.

Attentif à la pointe de ses souliers, le Serbe tourne avec des épaulements.

Il ne tient pas la main de la femme. Il a le bras écarté, comme s’il disait élégamment : voici.

De sa main, où circule un tatouage patriotique, il fait trembler la grasse taille de la courtière en diamants.

Madame Joseph touche d’un seul index délicat l’épaule du cavalier.

Rachel et Thézou finissent le Champagne du vieux maquillé. Leurs prestes mains, leurs lèvres assassines se meuvent excessivement.

« C’est un Viennois, mais pas yite. Il m’a dit : Venez chez moi, on s’amusera ! Je vous montrerai ma collection de colliers de chien. Si vous êtes gentille, vous ne vous en repentirez pas.

« Tu parles si je l’ai envoyé dinguer, le monsieur ! »

Elles goûtent avec des effarouchements les restes du mélange spécial : poivrons hachés, jaunes d’oeufs, crème aigre, boutargue et bénédictine.

« Quelle horreur ! Faut qu’il aime les combines compliquées, ce vieux cadavre ! »