Page:NRF 19.djvu/426

Cette page n’a pas encore été corrigée

424 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Je suis orphelin dans un monde inhumain trop éclairé.

Les phares lancent 3.000 trains contradictoires gauchis- sant leurs glaces enflammées vers les grands miroirs des murs les cristaux des loges et du dôme qui réexpédient ces illuminantes fureurs sur de rapides rails givrés où miaulent 30.000 express inversés porteurs télégraphiques de canne- lures ivres. Derrière les vitres blessées, des syphilitiques retombées en enfance partagent gentiment le goûter de quatre heures. Conduits par des mécaniciens idéalistes, ces rapides font les signes des méchantes sociétés. Mais, per- çantes stalactites volantes, des sous-marins éclairés en rasoir s'élancent de l'orchestre vers mon septième verre qui se carre. Les trains emportent leurs cargaisons de condam- nées, faisant place aux évidences crissantes de ces bistouris bleutés qui filent blanchement leur arête, avec des glapis- sements citronnés vers mon œil droit qu'ils convoitaient, les salauds !

��*

��Rasséréné par un café bien chaud, je pleure sur le sort du troisième violon.

Léon porte les vieilles guêtres du premier violon. Comme ses manchettes sont noires ! Je pense aux hôtels à deux francs, aux salles d'attente mouillées, et aux chaussettes que Léon lave lui-même le soir dans la cuvette. Il lie con- versation avec l'Isolé et parle de ses gosses. Léon est de ces ingénus qui ne savent pas les trucs pour éviter les enfants. Il dit :

« Mais mon cadet est encore plus étonnant, il vous fait de ces problèmes d'arithmétique ! Ses professeurs en sont stupéfaits. Et notez qu'il n'a que huit ans ! Ce sera quel- qu'un, évidemment.

« Il ira sans doute à l'Ecole Polytechnique plus tard. On m'a beaucoup recommandé aussi l'Ecole Centrale. Qu'en pensez-vous ? Enfin, c'est lui qui choisira. Et il sait ce qu'il veut, je vous prie de le croire !

�� �