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388 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

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��Duvernois sait que le conte, comme le théâtre, obéit à un certain nombre de lois strictes qu'on n'enfreint pas impu- nément. Il sait notamment qu'une « tranche de vie », qui peut fournir une nouvelle ou un roman, ne peut en aucun cas fournir un conte. Voilà pourquoi les purs naturalistes, excellents dans la nouvelle, ont été de médiocres conteurs. Maupassant lui-même n'est pas complètement à l'aise quand il ne dispose que de cent cinquante lignes. Il lui faut vingt- cinq, quarante, quatre-vingts pages, la dimension de Maui- selle Fiji, de La Maison Tel lier, ou de Boitle-de-Suif, le loi- sir de décrire un milieu, de développer un caractère, de tirer d'une situation tout ce qu'elle contient. Le conte n'en exige pas tant, ou du moins exige d'abord autre chose : l'éclair de magnésium qui illumine la fin de la Parure ou la fin des Cerises de Daudet, mais qui, chez Maupassant comme chez Daudet (Daudet qui est plus poète en prose que conteur), est une exception.

La condition préalable et nécessaire, parfois suffisante d'un conte, c'est précisément cet éclair de magnésium. Il y en a toujours au moins un dans un conte de Duvernois, souvent deux, quelquefois trois. La virtuosité à provoquer ce coup de théâtre, à faire jaillir cet éclair imprévu, c'est le premier don du conteur.

Mais il est d'autres dons qui sont le propre des conteurs- nés et qu'une bonne fée a tous mis dans le berceau d'Henri Duvernois : l'imagination d'abord, du moins cette forme d'imagination où la part d'arbitraire est la plus grande et qui fait surgir un conflit tout gratuit et tout armé (l'imagi- nation du romancier consistant au contraire à découvrir un ou plusieurs germes de complications, de situations et d'émo- tions qui se développent peu à peu, selon la logique inté- rieure des personnages, en dehors de la volonté du créa- teur, parfois même contre sa volonté). Encore faut-il que

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