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386 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

pouvait assimiler et mettait sa marque propre sur chacun de ses personnages et chacune de ses anecdotes. Ses jeu- nes hommes rangés ne sont plus ceux de Tristan Bernard, ses ratés ceux de Capus, ni ses « cruches » et ses « Margots » celles de Courteline. Il existe désormais tout un petit monde de marionnettes bourgeoises, bien délimité, avec son code et ses coutumes, sur lequel règne en souverain absolu et débonnaire, en bon roi Pausole d'Yvetôt, indul- gent et jovial, Henri Duvernois.

C'est le peuple des honnêtes commerçants de la rue du Sentier ou du Faubourg Poissonnière, les uns prospères et arrogants, les autres malchanceux et humbles, tous égale- ment timorés et mesquins. Leurs fils, taillés tantôt sur le même patron qu'eux et tantôt rêvant à vide de gloire litté- raire et de succès mondains. Leurs épouses, tantôt dociles victimes et tantôt matrones acariâtres. Leurs filles, idylli- ques oies blanches ou déjà bourgeoises pratiques et pot-au- feu. Leurs maîtresses, Montmartroises futées, délurées et pourtant sentimentales. Voici encore lescercleux empressés et nuls, fêtards et bons garçons et leurs femmes fox-trot- teuses intrépides, snobinettes insupportables, avec toutefois une petite fleur bleue en quelque coin du cœur. Voici les grisettes promues à la haute galanterie, les acteuses et les demoiselles de ballet ou de café-concert. Voici enfin toute la bourgeoisie maniaque et persécutée des courtiers, pla- ciers, comptables, ronds-de-cuir, chefs de rayons, ménages courbés sous le joug du respect humain et du qu'en dira- t-on, usés par la réalité quotidienne et la question d'argent.

On chercherait en vain un paysan dans les vingt livres déjà publiés par Henri Duvernois. S'il s'y glisse un ouvrier ou un provincial, ce n'est jamais qu'au second plan. Tous les « héros » de Duvernois sont Parisiens, tous bourgeois, tous médiocres, tous par quelque côté ridicules, mais il n'en est pas un qui soit antipathique.

Aucun de leurs tics, de leurs vanités, de leurs petitesses,

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