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314 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

collectif, n'est pas soumis aux courants variés de son héré- dité, hérédité de classe, hérédité de religion ? Si, moi, je suis Juif, es-tu assez protestant, toi, avec ta conscience scrupuleuse, tes pactes solennels, ton prosélytisme sour- nois, ta sentimentalité retenue sous un air austère ? Ah ! tu es resté bien ïidèle à tes ancêtres calvinistes. Et entre un Montclar, issu d'une caste de chefs, rebelles même à leur prince ; un La Béchellière, fils de médiocres hobe- reaux qui n'ont jamais vu plus loin que l'étendue de leurs terres ; un Robin dont la famille n'a pris rang que depuis la Révolution ; et toi, d'une humble lignée huguenote... il y a autant de différence qu'entre des types de race distincte ; il y a chez vous autant d'éléments prêts à se combattre.

« Mais ce n'est pas tout. Votre grand grief, c'est l'es- prit juif, le fameux esprit juif, ce dangereux instinct de jouissance immédiate qui corrompt tout génie, empêche de rien créer qui soit éternel, avilit la pensée !... Or, ne crois-tu pas qu'un peu de cette semence pratique ferait du bien à votre sol ? Si dans ce pa) r s partagé entre les vision- naires du passé et ceux de l'avenir, quelques hommes venaient qui vous enseignaient à tirer plus de profit du temps que vous passez sur terre, n'apporteraient-ils pas précisément ce dont vous avez besoin ? Et si, une fois mêlées au vôtre, quelques gouttes de ce sang nouveau, riche en sensualité, redoublaient chez vous la faculté de sentir, vous ne seriez pas transformés, comme certains le craignent, en bêtes flairant les choses. L'intelligence d'Israël a assez brillé à travers les âges pour que vous soyez rassurés.

« Etre Juif et Français, que cette alliance pourrait être féconde ! Quel espoir j'en tirais ! Je ne voulais rien ignorer de ce que vous avez pensé et écrit. Quelle n'était pas mon émotion lorsque je prenais connaissance d'une belle œuvre née de votre génie ! Tu le sais, toi, tu m'as vu à ces moments. Il m'arrivait alors de rester silencieux ; tu me

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