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310 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Je m'y trouvai avant lui. Je le vis venir de loin ; et, comme je l'aperçus, je me ressouvins de notre première rencontre. Il avançait avec la même démarche, tout agité, le front inquiet ; mais, cette fois-ci, ce n'était point une apparence qui le faisait imaginer entouré d'en- nemis.

Je courus vers lui. L'émotion, la gêne, me rirent balbutier je ne sais quoi. Il m'interrompit :

« Je n'ai pas répondu à tes lettres, ne voulant pas être cause d'un désagrément entre tes parents et toi.

Son ton était très calme, mais je sentais qu'il se contenait. Il reprit :

— Tu sais que ce sont eux qui ont demandé mon ren- voi du lycée ?

Je fis un geste navré.

— Oh ! Cela vaut peut-être mieux. Ma situation était devenue impossible... Alors — continua-t-il d'une voix moins assurée — je pars... je pars demain... pour l'Amé- rique.

— Tu vas en Amérique ? m'écriai-je. Mais pour combien de temps ? Quand reviendras-tu ?

— Jamais, répondit-il d'un ton résolu. Je m'établis chez un de mes oncles.

J'étais consterné.

— Pourquoi prendre une telle décision ? murmurai-je faiblement en saisissant ses mains.

— Pourquoi ?... Parce que l'on m'a chassé de ce pays, déclara-t-il en se dégageant par une saccade.

Un passant remarqua ce geste et se mit à nous ob- server.

— Prends garde, dit ironiquement Silbermann. Ne res- tons pas ici. Il ne faut pas que tu sois vu en aussi indigne compagnie. »

Il m'entraîna vers le Bois de Boulogne. Nous primes un petit chemin qui serpentait sur les fortifications et où personne ne se montrait. Je marchais silencieusement à son

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