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SILBERMANN 299

les restituer. Voilà les faits. Voilà sur quoi on ouvre une instruction contre lui. »

Il s était exprimé avec vigueur et clarté. Visiblement il se servait de tout son art pour me persuader. Mais il en avait à peine besoin, tant sa parole me trouvait crédule. Puis, je me ressouvenais des propos tenus un jour chez Philippe Robin par l'oncle de celui-ci, et ils concordaient avec les dessous que Silbermann me révélait.

Silbermann souffla un instant ; ensuite il reprit sur un ton plus bas, grave, pathétique :

« Telle est la vérité. Il importe que ton père la con- naisse. Rapporte-lui tout ce que je viens de te dire, je t'en conjure. Fais-lui admettre ces choses. Arrange-toi pour qu'il conclue tout de suite à un non-lieu. Il ne faut pas que mon père soit inculpé. S'il était poursuivi, songe à mon avenir. Qu'adviendrait-il de ces beaux projets que tu es seul à connaître, mon ambition d'écrire des livres, d'être un grand Français ?... Peut-être serais-je obligé de quitter le lycée ?... Que deviendrais-je ? Sauve-moi de ce désastre... sauve-moi... Une fois, tu te rappelles, tu as juré que tu ferais pour moi tout ce qui serait en ton pouvoir... Eh bien ! je te le dis, mon sort dépend de toi. »

A ces paroles, je l'interrompis. L'émotion serrait ma gorge. Mais je trouvais cette émotion si délicieuse que, de gratitude, je pressais les mains et les bras de Silbermann. Je lui promis de parler le soir même à mon père. Et tant de naïveté entrait dans mes sentiments éperdus que je ne doutais pas que mon père, entendant ce récit, ne ressentît la même émotion que moi. 11 me parut que ce serait comme un beau présent que j'apporterais et que je parta-

��gerais avec lui.

��Le soir, sans hésiter, le doigt tremblant toutefois, je frappai à la porte du cabinet de mon père. Sa voix juste et sans nuances cria d'entrer.

Dans la pièce étroite, tendue d'étoffe vert sombre, mon père était au travail devant son lourd bureau de chêne

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