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TERRE 275

Terre, tu nés qu'une aventure conjugale ;

Courbe, tu chéris trop tes faciles rondeurs,

Ton vieux cadran qui rabâche Us vingt-quatre heures,

Et tes géographies affichées au collège,

Des bosses dé l'Afrique aux criques de Norvège,

Tes continents à qui tu infliges des formes

Et qui doivent dompter leurs inclinations,

— Pauvres ailes des mers, ccumeux goélands,

Oui veulent' vainement prolonger le rivage.

Attendrons-nous longtemps sous le mobile ciel

Un sort que nous savons terreux ef solennel ?

Serons-nous tes courtois cadavres jusqu'à l'os,

Eunuques des cinq sens et des qiMtre saisons?

Ah ! prends garde à l'humeur des hommes élastiques,

Aux complots retardés de ces fumeurs de pipes,

Las de ta pesanteur, de tes objections,

A notre envol un long jour de migration

Fers l'Océan du ciel aux claires colonies,

Pour refaire le toit de nos mélancolies

Avec la paille fraîche des constellations !

JULES SUPERVIELLE

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