Page:NRF 19.djvu/275

Cette page n’a pas encore été corrigée

IPHIGÉNIE 273

del Norte. Elle y est encore, en compagnie des Peaux- Rouges. Un Peau-Rouge est un personnage ovale, superflu et éloquent, au teint bistré, aux mœurs cossues, avec de grosses épingles dans la cravate et des plumes sur la cervelle, et muni selon les longitudes d'accessoires aquatiques, de poil, et d'un cheval. On peut citer parmi les Peaux-Rouges : les Andalous, les Cubains et les Iro- quois. Mes Peaux-Rouges, par hasard, sont rouges ! Tant mieux ! Le paysage même est rouge : de ces grosses mon- tagnes artificielles enveloppées dans du papier mâché. Le Rio est plutôt un torrent ; et Chateaubriand ne l'a jamais vu. — Et Iphigénie ? Iphigénie se tient debout, regardant une vieille peau-rouge qui lit Pétrone dans le texte. Il est nu, et il tâche de cacher sa nudité avec ses cheveux, qui lui descendent jusques aux tempes. Je ne vois pas ses mains; et il me paraît sensiblement moins décoratif qu'au premier acte. Voici qu'un vieillard à face noire lui passe un manus- crit peau-rouge. Mais Iphigénie ne connaît que l'anglais. Alors, un autre vieillard, vêtu de laine blanche, s'approche, et l'interpelle : « Tu es beau, jeune Yankee ! Ta chair est rose comme celle des pastèques, et ton nombril est aussi blanc qu'une manchette de celluloïd. Je prie le Dieu Peau- Rouge qu'il t'agrée avec ta poitrine, tes joues, et tes jambes. Et je te sacrifie selon les rites pour l'accomplissement des destins ! »

Avant prononcé ces grandes et fortes paroles, le vieillard se tait. Un personnage inédit apporte, sur un plateau de cuir, la vieille hache à quatre tranchants. Des torches de caoutchouc s'allument çà et là. Une fumée liturgique monte dans le ciel peau-rouge. Deux jeunes vierges cou- chent Iphigénie sur la grande Pierre Plate, enduite de cire et de graisse de porc. Et un enfant impubère, saisissant la hache dans ses mains potelées, fait d'un seul coup tomber la tête d'Iphigénie.

Priez pour lui !

JOSEPH DELTEIL

18

�� �