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IPHIGÉNIE

��Ce jeune Yankee décoratir qui regarde le Texas avec des yeux de relativisme, vois, Einstein, comme il est mince, et fragile, sur une route, en Amérique. Il a sur le front une couronne de véritable pâleur, et il porte dans ses mains des lis inutiles à ce récit. Son étroite moustache blonde correspond à ses sentiments. Son veston sort de la maison Meldrun et Hill, d'Austin. Il a des yeux d'élégie, et d'adorables joues roses destinées à quelque collection. Vraiment, il est beau comme Iphigénie.

Parfois, il mord une tige de roseau coupée dans les pages de quelque pastorale. Et parfois il se ronge les ongles comme un petit garçon sale. Puis, il ôte son lorgnon cerclé d'or, le casse, et le jette dans la prairie de pissen- lits. Maintenant, il tire de son gousset en drap austral une grosse montre civilisée, avec deux aiguilles polaires dont Tune avance et dont l'autre recule, à cause du détraque- ment de son cœur.

Des hommes glabres, tous les cent ans, l'amènent là, au carrefour des rites. C'est la coutume prescrite par les vieillards. Les Cavaliers Rouges viendront en prendre livrai- son, et le conduiront au Pays Rouge. Justement les voici. Ils sont quatre, montés sur des chevaux nus. Us arrivent directement des quatre points cardinaux. Je crois que ce serait le moment de les peindre, malgré le crépuscule. Mais je n'ai pas de pinceau sous la main. Et puis je m'inquiète plutôt du jeune Yankee. Il ne bouge pas. Ah ! je com- prends : il est enchaîné, par ses bottines vernies, à la Pierre des sacrifices.

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