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254 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

dire ce que l'on pense, tant il y a d'inconvenance à penser ! Le peuple français fait, à ses guides d'occasion, l'effet d'un fiévreux près duquel il faut parler bas. Et les journaux sont comme des chambres de malades.

Voilà des symptômes fâcheux. Céderons-nous pourtant à l'inquiétude ?

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��Après tout, ce peuple rieur n'a-t-il pas adopté, en matière politique, l'attitude la plus sage, la plus conforme aussi à ses instincts tranquilles ? Ne s'en plus soucier. Est-ce une illusion ? L'on se demande si jamais ces questions complexes ont rencon- tré de sa part plus d'indifférence, si jamais la presse, vouée à deviner ses inclinations, a été moins chargée de matière, plus floconneuse et plus vague. Heureux symptôme ! Cela prouve que la paix commence à poindre. Réjouissons-nous. Cette apparente insouciance témoigne du sentiment où est la France, qu'il est des choses plus sérieuses que ces débats infinis. Elle travaille ; elle renaît. Quoi d'étonnant si elle préfère, après l'effort, se divertir ? Vraiment, de quelque côté qu'on les prenne, les problèmes politiques n'ont rien de divertissant. Sait-on d'ailleurs de quelle conséquence il est pour la destinée nationale qu'on les résolve avec ou sans bonheur. Tant d'élé- ments s'interposent, qui diminuent le prix d'un succès et l'inconvénient d'un échec ! Avantages et obstacles naturels balancent souvent ce qu'on s'imagine avoir gagné ou perdu par une signature. S'il arrivait à certains de juger, d'après l'expérience passée et présente, que les Français n'ont qu'un faible génie politique, la réponse irait de soi : ils ont tant d'autres privilèges. La nature leur fut si clémente qu'ils peuvent sans risque fermer les yeux; grâce à elle, nous pouvons jouir, en même temps que d'autres luxes, de celui du scepticisme.

C'est donc sans l'ombre d'intention critique, qu'il convient d'examiner les faits et gestes des hommes d'esprit qui nous gouvernent. Si l'on ne veut être injuste envers aucun d'eux, il ne faut aucunement les distinguer les uns des autres. Malgré l'appa- rence, ils ont tous suivi depuis quelques années la même route, et n'ont différé que par la manière. Cette route était celle sur laquelle ils croyaient que la volonté nationale leur prescrivait de se tenir, et cette docilité méritait les applaudissements qu'ils obtinrent.

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