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NOTES 239

d'autres, il est peut-être motivé). Or si certaines de ces forces ont pour point de départie lyrisme, d'autres l'intuition, il nous semble que, malgré la passion, le mystère même partout empreints dans Lucienne, cette oeuvre est de l'ordre de celles où prévaut l'acuité de ta conscience — où l'élément intellectuel est le maître. Et il nous apparaît qu'entre celles-ci, mais par ses propres voies et à sa façon, c'est-à-dire avec une aisance décisive, l'important livre de Jules Romains apporte, à tels pro- fonds problèmes que porte en soi-même chacun de nous, mieux qu'un témoignage: un modèle d'élégante solution.

LUC DURTAIN

LE THÉÂTRE

PITOEFF ET LA FONDATION A PARIS D'UN THÉÂTRE DE RÉPERTOIRE ÉTRANGER.

Que des gens bien intentionnés fassent le projet de voir une pièce mais qu'elle ait déjà disparu de l'affiche lorsqu'ils s'avisent de louer des places, ils éprouvent la même sorte de regret que s'ils arrivent trop tard dans un grand magasin où l'on annonçait des « occasions » intéressantes. Pour un peu ils jalouseraient les dégourdis qui ont su se précipiter à temps. Il ne leur entre pas dans l'esprit qu'une pièce n'est pas une mar- chandise qui peut attendre le client, mais un être vivant qu'ils ont laissé mourir de faim. On a vu, au Vieux-Colombier, un public renoncer à cette attitude déplorablement passive, à cette mortelle nonchalance et en être récompensé. Il faut qu'un appui analogue vienne soutenir les efforts de Pitoëff.

Une sympathie très chaleureuse avait accueilli, l'an dernier, les représentations de la Puissance des Ténèbres et de YOncJe Vania. Chacun comprenait que toute une partie du théâtre étranger ne peut nous être rendue accessible que par des étran- gers. Quelque intelligente et bien documentée que soit une interprétation française, il lui manque un je ne sais quoi, cer- taines intonations, une certaine allure, un certain relent qui, mieux qu'aucun commentaire, révèlent le sens d'une œuvre. On l'a constaté pour la Puissance des Ténèbres qu'Antoine avait donnée avec une force, une ampleur, une sûreté de moyens auxquelles la compagnie de Pitoèff ne pouvait prétendre.

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