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SILBERMANN 191

Il dit :

— Demain je serai insulté, frappé... Est-ce juste ?

Et il mettait en avant ses deux paumes désarmées, ainsi qu'est représentée la personne du Christ au milieu de ses ennemis.

��IV

��Cette scène me troubla fortement. La nuit qui suivit, je songeai, moitié éveillé moitié rêvant, aux images bibliques qu'elle avait fait apparaître. Au matin, j'eus le sentiment qu'un devoir m'était dicté : réparer l'injustice des hommes à l'égard de Silbermann. Il me fallait non seulement l'aimer, mais prendre son parti contre tous, si difficile et si ingrate que fût l'entreprise. D'ailleurs ses ennemis principaux n'étaient-ils pas les S f -Xavier et n'avais-je pas toujours res- senti envers ceux-ci, Philippe Robin excepté, une inimitié naturelle ?

Je décidai de parler à Philippe afin de le détacher des adversaires de Silbermann.

Le jour même, j'allai le trouver. Je lui exposai combien étaient cruels les mauvais traitements infligés à Silber- mann. « Je sais qu'il en souffre beaucoup », ajoutai-je. Et j'en appelai au bon cœur de Philippe pour qu'il les tii cesser.

Philippe m'avait écouté attentivement mais avec froi- deur.

— Moi aussi, répliqua-t-il, j'ai quelque chose à te dire à ce sujet. Il m'est très désagréable de voir un de mes amis se lier avec ce garçon.

— Et pourquoi ? demandai-je.

— Pourquoi ?... Parce qu'il est Juif.

C'était bien la raison énoncée par Silbermann. Philippe avait articulé durement ces quelques mots. On sentait que pour lui l'argument était décisif.

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