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SILBERMANN 185

méprisante à l'adresse des cancres, il n'y avait pas moins d'animosité contre lui aux autres degrés de la classe.

Les choses commencèrent par des taquineries assez inno- centes lorsque Silbermann se mettait à pérorer et à gesti- culer. Silbermann aggrava ces taquineries et les fit persister par sa façon de tenir tête et sa manie « d'avoir le dernier » ; elles furent un peu encouragées aussi par l'insouciance de la plupart de nos professeurs qui, malgré ses bonnes places, n'aimaient pas Silbermann. On s'en aperçut bien le jour où l'un d'eux, irrité de le voir venir trop souvent près de sa chaire, le renvoya avec une phrase brusque et cinglante que tout le monde entendit.

Bientôt, pendant les récréations, ce fut un amusement courant d'entourer Silbermann, de se moquer de lui et de le houspiller. Sitôt qu'il apparaissait :

— Ah ! voilà Silbermann, disait-on. Allons l'embêter.

On le bousculait, on prenait sa casquette, on faisait tomber ses livres. Silbermann ne se défendait pas mais il ripostait d'un trait qui, le plus souvent, frappait juste et exaspérait l'assaillant.

Au début, ces petits succès de parole lui procuraient tant de plaisir qu'il en oubliait les brimades ; et même il allait au-devant. Mais comme la répétition de ces scènes et aussi son physique bizarre lui valurent d'être en butte, dans la cour, à la curiosité générale, je crus m'apercevoir qu'il com- mençait à en souffrir. Enfin, peu après, les S'-Xavier venant s'y mêler, !e jeu prit le caractère d'une persécution.

Les S'-Xavier ne prenaient point part, si l'on peut dire, à la vie de notre lycée. Grands seigneurs obligés de passer par un lieu indigne d'eux, ils jugeaient inutile d'entrer en rela- tions avec des voisins de hasard. Chaque petite escouade se dirigeait vers sa place, affectant de ne rien voir et de ne rien entendre. Leur attitude vis-à-vis des professeurs était généralement correcte, jamais zélée ; leurs vrais maîtres, ils les retrouvaient en sortant. Et même, en classe, le visage d'un garçon tel que Montclar trahissait parfois un sentiment

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