Page:NRF 19.djvu/171

Cette page n’a pas encore été corrigée

SILBERMANN 1 6<?

des personnes qui étaient mortes, mais encore celles des maisons qui n'avaient pas d'aboutissants, chemins où elle s'était fourvoyée et qu'elle abandonnait sitôt son erreur aperçue.

Ce que lui coûtaient ces démarches, ces manèges, je l'ai su plus tard, lorsque j'ai compris le sens des soupirs que je l'avais entendue pousser bien souvent devant son miroir, tandis qu'elle arrangeait ses cheveux grisonnants ou qu'elle entourait d'une voilette sa figure paie et effacée d'ouvrière trop laborieuse.

— Ah ! ce dîner Cottini... laissait-elle échapper... Cette visite chez M rae Magnot...

C'est que Cottini, directeur d'un grand journal, avait une réputation notoire de viveur, et que Magnot, le député, avait, disait-on, vécu plusieurs années en ménage avec sa maîtresse avant de l'épouser. Or ma mère jugeait les mœurs selon un code rigoureux et inflexible.

Instruite par cette expérience, elle désirait m'écarter de toute carrière ouverte à la brigue et soumise aux influences poli- tiques. Pour d'autres raisons, réussite incertaine, absence de discipline, elle repoussait les professions libérales ou celles qui dépendent d'une vocation souvent trompeuse.

— C'est se jeter à l'aventure, déclarait-elle. De nos jours, la sagesse est d'entrer dans une grande administration privée dont on connaît le chef. On suit la filière, c'est vrai, mais sans risque ; et si l'on est intelligent et consciencieux comme c'est ton cas, on avance rapidement tandis que les autres marquent le pas.

Aussi, alors qu'elle ne m'eût pas vu sans méfiance fré- quenter la magnifique maison des Montclar, « ces oisifs », elle se montrait fort contente de mon intimité avec Philippe Robin, le fils du notaire. Elle n'avait nas tardé à entrer en relations avec les parents de mon ami ; et généralement, au retour des visites qu'elle leur faisait, elle m'apprenait que « ce qu'il y a de plus huppé dans la bourgeoisie à Paris se trouvait Là ».

�� �