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ÉTUDE DE NU 159

progrès. Les plis de sa robe devenaient son mouvement même.

Mais, comme je commençais ainsi :

— Ne sois belle ni par tes voiles, ni par ta seule beauté... Si ta pose est d'une déesse, c'est que la fleur de ton âme courbe la tige de ton buste...

— « Mon âme ! » fit-elle, quasi choquée. Il ne faut pas dire de gros mots... Mon âme ! c'est déjà beaucoup ! N'ajoute pas une fleur au bout, comme au canon d'un fusil !

Elle ne comprenait pas que l'homme ait besoin de s'éblouir et de frapper sur l'amour comme sur le fer d'une enclume pour extraire des scintillations. J'aurais voulu la persuader qu'elle n'est pas si simple qu'elle pense, qu'elle résume toute la vie, que la torche de sa chevelure n'est pas seule à la distinguer ! Mais tes baisers, lui aurais-je inculqué, ne sont pas que des baisers. Ils arrachent les pétales collés de l'angoisse. Tes yeux ont des profondeurs où ton aban- don s'accumule. Tu ne t'en serais jamais doutée. L'ondu- lation de tes hanches anime des crépuscules. Mon orgueil — ah ! celui-là ! — résistant à tout hypnotique, dans le mystère de tes cheveux, il s'est mis à s'assoupir.

Ha ! la pauvreté de nos gestes! Pouvais-je devant elle en parler ! Je crois qu'elle s'en fut froissée et que c'eût été déplacé.

J'avais un attirail d'abstractions pour habiller ma pen- sée, tel que l'armure d'un croisé sur une vareuse « bleu horizon » lui eût semblé moins démodée. L'Eternité, à ses yeux, c'était un bloc d'anthracite, bon pour la locomotive de nos poussives métaphysiques !

Ii m'avait semblé deviner ce qui pouvait nous séparer. Elle a le géotropisme des fleurs qui, voulant s'ouvrir face au ciel, s'évadent des zones d'ombre et se jettent au cou du soleil. Pour elle, tout ce qui brille, c'est de l'or. Moi, j'ai un cœur de rhizome : mes ans se comptent aux racines. Mon géotropisme est contraire. Je bois l'humus ; elle, la lumière.

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