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Il6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Stravinsky ; Quelques reprises : Le Sacre du Printemps, Pétrouchka, Contes Russes, L'après-midi d'un* faune.

Ce qui me frappe le plus en Stravinsky, ce qui, à mon sens, doit nous rendre son action particulièrement précieuse, c'est qu'il ne se répète jamais, c'est qu'il ne développe même pas, qu'il n'exploite pas les richesses qu'il découvre, mais que les abandonnant généreusement à d'autres, lui-même à chaque œuvre nouvelle change de direction et nous ouvre de nouveaux horizons. Chacune de ses créations est une invention nouvelle, inattendue et si nous retracions le chemin qu'il a déjà parcouru, le dessin nous en paraîtrait très étrange et même illogique. C'est ce qui explique en partie les sentiments complexes que pro- voque chacune de ses oeuvres : surprise joyeuse, mais aussi irri- tation et dépit, car elles exigent immédiatement de notre part une attitude et une adaptation nouvelle. Après le scandale for- midable que déchaîna le Sacre, scandale qui fut aussi un triom- phe, un autre aurait repris le même procédé, quitte à faire encore plus grand.

Mais au lieu d'un super-Sacre, Stravinsky nous donne le Rossignol. Puis, c'est l'Histoire du Soldat, des petites pièces, des mélodies, un quatuor. C'est enfin Renard, Mavra. Ainsi, cha- cune de ses œuvres est un coup d'essai ; mais ce sont aussi des coups de maître : jusqu'ici il les réussissait toujours ; et le pre- mier sentiment d'étonnement et d'inquiétude passé, l'auditeur devait s'avouer convaincu. Jusqu'ici, c'est-à-dire jusqu'à Mavra qui, à mon avis, est un échec.

Le point de départ de Stravinsky dans Renard est l'art forain russe. Renard est une déformation parfaitement consciente, une transposition esthétique de la musique de foire. Une comparai- son avec Parade tout naturellement s'impose. Musicalement, elle est à l'avantage de Renard : pour se soutenir, la musique de Satie a besoin de la danse, du geste, de l'image plastique ; exé- cutée seule, sa vacuité, ses ficelles, sa niaiserie (et qui n'est pas toujours voulue) apparaîtraient clairement. Mais c'est justement ce qui fait la grande valeur de Parade au point de vue théâtre, au point de vue scénique. La musique de Satie ne peut exister en dehors du spectacle dont elle ne constitue qu'un des élé- ments. Au contraire, la musique de Renard ne laisse aucune place à chorégraphie, au geste. Ce que je reproche à Nijinska

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